Romeo und Julia auf dem Dorfe

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Cette adaptation cinématographique de la célèbre nouvelle de Gottfried Keller - qui a lui-même transposé le drame amoureux de Shakespeare à la Suisse rurale du XIXe siècle - est considérée comme l'un des classique du cinéma suisse les plus insolites et les plus poétiques et n'a longtemps été visible que dans des copies très usées et tronquées. Après cinq ans de travail, la version restaurée et numérisée est enfin disponible et s'avère être une révélation qui fait tout de même sourire: la timidité de Margrit Winter et Erwin Kohlund dans les rôles du couple-titre, la mise en scène théâtrale du conflit ruineux de leurs pères qui se déchirent à cause d'une limite de champ, sans parler du jeu appuyé d'un vagabond symbolique qui fait de sombres prophéties. Pourtant, le vieux film et sa nouvelle splendeur visuelle se gravent dans la mémoire. La séquence enchanteresse où Roméo & Juliette, alias Sali & Vreneli, se rendent à une fête lointaine dans la forêt, où personne ne se soucie de leur amour, et se laissent porter par les gens du peuple et les musiciens ambulants. La magnifique polonaise nocturne des fêtards à travers la campagne et les champs, à la fin de laquelle le couple se retrouve à nouveau seul et ne sait pas comment s'en sortir autrement qu'en faisant un dernier voyage sur la rivière à bord d'un hennin chargé de foin. Inoubliable, enfin, comment ce bateau de l'amour et de la mort descend le fleuve et s'enfonce dans le matin. Le réalisme poétique du cinéma français de ces années-là a incontestablement inspiré le scintillement argenté de ces premières grandes scènes nocturnes de l'histoire du cinéma suisse. Enfin, le fatalisme élégiaque de l'histoire est également frappant: Vreneli et Sali devaient-ils vraiment finir ainsi? Le fait que cela se produise en dit long sur la pression de conformité qui pesait sur les jeunes gens de l'époque.